Mary & Caïn

Mary marchait dans les couloirs. Que faire ? Atelier ou manger ? Dormir ou flâner ? Elle opta pour le réfectoire sans vraiment s’en rendre compte. Ses pas l’y menèrent tout seuls. Mary poussa la porte, regardant pendant environ 1 seconde et demie ceux qui s’y trouvaient. Et même si elle y voyait une connaissance, elle n’irait pas la voir. Lorsqu’elle s’approcha du cuisinier avec son plateau, elle se rendit compte que son ventre criait famine depuis bien plus longtemps qu’elle le pensait. Elle était beaucoup trop occupée à se disputer avec ses voix pour oser manger un petit quelque chose. Et honnêtement, se faire imposer des images d’hommes démembrés, lacérés et pleins de sang au moment d’une bouchée était très désagréable mais ça amusait Connard. Toujours en train de la provoquer. Mary baissa les yeux au moment où elle rencontra ceux de l’employé, déglutissant lorsqu’elle vit le repas. C’était aussi horrible que ce qu’elle s’attendait. Elle n’aurait su dire si c’était de consistance liquide ou solide. Mary chercha des yeux une table libre puis remarqua celle dans le fond. Personne n’y était, c’était parfait. Elle y marcha et déposa son plateau sans faire de bruit, s’asseyant. Un bref sourire apparut sur ses lèvres. La paix. Déjà qu’elle cohabitait avec des voix, elle était contente de ne pas avoir à endurer les paroles des autres. Ses voix qui s’étaient tenues silencieuses depuis un petit moment se remirent à parler de plus belle, plus fort. Elles n’avaient pas l’air de vouloir foutre la paix à Mary, elles. « Tu savais que t’étais qu’une sale pute, Mary ? HAHAHAHAHAHAHA ! » Un million de voix différentes se mirent à rire à cette insulte. « Et t’as de petits seins, j’ai jamais compris pourquoi Caïn t’aimait Enfin, si il t’aimait… » De nouveaux rires. Les coups de fourchette de Mary se faisaient de plus en plus brusques, fâchée par les commentaires.

-« Fermez vos gueules… J’ai pas envie de me mettre à vous engueuler ici »

« T’es dans un asile connasse et tu te soucis des apparences ? Tu penses que y en a pas d’autres qui se parlent à eux-mêmes ? Tu penses être seule dans ta merde ? Et bien je suis désolée de te décevoir poulette. » Mary serra les dents, tentant de penser à quelque chose d’autres mais elle n’y arrivait pas. Les voix s’imposaient, fortes et violentes. « T’es vraiment stupide… Ultra conne et imbécile. Parfois j’aimerais être dans une autre tête que la tienne »

-« Et bien t’as qu’à foutre le camp ! »

Sans s’en rendre compte, elle avait hurlé ces mots. Des visages se tournèrent vers elle mais elle n’osait pas les affronter. Le seul combat qu’elle menait présentement c’était entre les voix et elle. « Salope, salope, salope ! Tu sers juste à te faire baiser sale conne. PERSONNE ne t’aime. Personne ne veut rester avec toi et ce, même pour manger. Tu t’es vue, toute seule à cette table ? Tu fais pitié. »

-« FOUTEZ-MOI LA PAIX BON SANG ! »

Elle se leva, envoya son plateau contre le mur d’un geste rageur. Elle continuait d’hurler aux voix de lui foutre la paix, les larmes coulant sur ses joues. Elle frappa d’un coup de pied le pauvre bout de plastique souillé qui servait de plateau, rageuse.